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 :: Ars Moriendi de l'Accablé, Psychostasie de l'Abandonné ::

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:: Ars Moriendi de l'Accablé, Psychostasie de l'Abandonné :: Empty
MessageSujet: :: Ars Moriendi de l'Accablé, Psychostasie de l'Abandonné ::   :: Ars Moriendi de l'Accablé, Psychostasie de l'Abandonné :: Icon_minitimeJeu 23 Aoû - 4:33

[Prédemment]

:: Environs de l'académie :: {21h00}

"Rise up and line up under the fire, fight for your love and desire, open your minds and realize, your lies like a promise..."
Totalement absorbé par la nouvelle chanson de "Death SS" qu'il ne cessait de chanter et rechanter dans son "bad english", Jugulus errait. Errance simple, errance sans but, comme toutes les autres. Un instant, il s'arrêta. Une lumière réfléchie par une statue blanche avait retenu son attention. Intrigué par l'éclat que la Lune donnait à la statue, il s'en approcha davantage, jusqu'à finir par s'agenouiller devant elle afin de la contempler à loisir. La nuit était sans vent, sans bruit, calme. Personne d'autre que lui ne semblait être là, il admirait en solitaire l'oeuvre d'art. Elle représentait une divinité qu'il ne connaissait pas, une femme drapée dans une grande robe; elle joignait son pouce et son auriculaire gauches en un geste assez élégant quoique banal à l'habitude. Debout, elle était impressionnante. Jugu laissa son esprit vagabonder à son gré, et déjà il voyait la dantesque statue descendre de son socle de pierre, s'asseoir sur celui-ci, le regarder et lui dire " Comment vas-tu, petit homme? " .

Il fixa la statue. Elle n'avait pas bougé. Si seulement elle pouvait vraiment se mouvoir, lui demander cela ailleurs que dans ses pensées.. Il se releva, monta sur le socle. Même en face de la beauté de granit, elle le dépassait encore d'une bonne cinquantaine de centimètres. Pauvre pierre... N'avait-elle pas froid? Lui s'était chaudement vêtu, mais elle, vêtue de pierre? C'eût été comme si lui-même avait été vêtu de sa propre peau! Alors, il détacha sa longue écharpe noire, et, se hissant sur la pointe des pieds, l'accrocha au cou de la déesse.

Il descendit du socle, puis face à la statue, il recula de quelques pas, et regarda l'écharpe ceindre élégamment le cou de la belle, et bouger légèrement lorsque survint à ce moment une légère bourrasque, première de la nuit. Il espérait bien que jamais aucun vent n'enlèverait l'écharpe d'ici, et qu'elle apporterait au moins un peu de chaleur aux yeux gelés de la statue. Puis, il se détourna de la jolie vue qu'il avait eue, et tourna les talons vers l'unique lumière qu'il voyait au loin, celle supposée, du grand Bal.

| Départ de situation |

:: Portique du Jardin :: {22h28}

Il n'en crut pas d'abord ses yeux. Les gens allaient et venaient, tous souriants et pleins de vie. Parmi toutes ces silhouettes, pas une qui au premier abord ne semblait imparfaite. Dans toute cette masse de gens, vêtus de leurs plus beaux vêtements et bijoux, il discernait des vertus certaines, comme l'élégance, la beauté, la richesse sans trop de faste toutefois. Tous ces gens n'avaient pas l'air animaux, ne ressemblaient en rien aux rats, aux serpents et aux cafards humains qu'il avait côtoyé dans les murs de son enfance, toutes images se mêlant dans sa tête des regards haineux portés sur lui, une fois l'an. Mais ici, rien de tout ça. Aussi, l'oeil subjugué par ce qu'il voyait, il rejoignit la fête, parmi les lumières du grand Jardin.

La fraîche nuit d'été rassemblait tous ces gens, au son d'une musique qu'il découvrait à chaque seconde qui s'égrenait tandis que ses yeux s'émerveillaient au doux spectacle des festivités. A l'intérieur, derrière ces grandes vitres lumineuses, la fête devait être plus spectaculaire encore. Mais en amateur de plantes, et puisque l'air se trouvait être agréablement frais, en même temps que la chaleur humaine ne l'incommodait pas le moins du monde pour la première fois de sa vie, il resta au-dehors.

Six hommes jouaient de leur violon sur un air allant amoroso, les couples se faisaient, se défaisaient, au cours suivant des danses. La musique douce n'était pas son genre en général, mais il ne regrettait pas ses Death SS, ni tous les autres; la douceur a son charme, les premières fois aussi. Une femme le frôla, entraînant un homme qui semblait son amoureux dans une course folle, avant de s'arrêter devant une allée de roses, où ils se mirent face à face et s'embrassèrent. Etonné tout d'abord, Jugu détourna ensuite les yeux. Il ne savait pas très bien pourquoi, mais cette vue ne lui faisait aucun bien.

Sa statue lui manquait. Il aurait aimé que l'ambiance de fête ait été plus proche de la vierge de pierre, afin de pouvoir à loisir la contempler et profiter de la fête en même temps. Cependant, il chassa la forme blanche sculptée de ses pensées comme à contrecoeur, et se recentra sur ce qui l'entourait. Il s'assit un instant sur les marches (trois petites marches qui amenaient à la petite scène surélevée où jouaient les violonistes). Personne ne lui adressait la parole, malgré que les regards qui convergaient vers lui n'étaient guère rares, ce qui s'expliquait plus par le nombre de gens que par l'habillement du jeune homme, qui se voulait aujourd'hui résolument plus sobre que d'habitude.

Vêtu sobrement depuis qu'il était entré dans l'enceinte de l'école, Jugulus ne portait plus ses excentriques boucles d'oreilles, ni tous ses rubans. Même son teint cadavérique semblait avoir enfin changé, et des couleurs semblaient se dessiner sur son visage blanchi par les années d'obscurité, enfermé comme un animal. Comme revigoré par cette nouvelle maison qui s'offrait en l'académie, il s'était paré pour la nuit de sa longue écharpe noire, qu'il avait laissée à ladite statue. Un t-shirt noir tout habituel lui couvrait le torse, et par-dessus lui, un manteau de cuir moins long qu'à l'habitude, plus "raisonnable", lui arrivant à peine aux genoux. Enfin, il portait un pantalon légèrement plus travaillé, sans décorations, mais bardé de poches un peu partout, dans lesquelles ses pierres colorées restaient. Enfin, comme il avait coupé un peu ses cheveux la veille, ceux-ci n'atteignaient plus qu'à peine son cou et non plus ses épaules. C'était donc un nouveau Jugu, davantage "humanisé" qui était dans ce théâtre des Fêtes.

Il se tourna vers les musiciens. Il aurait aimé prendre un de ces instruments dans ses mains pour le contempler; il n'avait jamais vraiment vu d'instrument de sa vie, n'ayant entendu de la musique qu'à travers un baladeur qu'il avait récemment volé, en même temps que quelques CDs qu'il avait dérobés (et oui, sans quoi le baladeur eût été inutile). Il se laissait prendre, envoûter jusqu'au plus profond de son âme par la moindre des notes de musique qui le berçaient. Il ferma les yeux. Puis, aussitôt, sursauta, et les rouvrit en entendant des voix fortes retentir comme jamais.
Se retournant, il vit qu'un choeur d'une bonne quinzaine de personnes au moins s'étaient placées silencieusement à la gauche des musiciens, soit juste derrière lui. Il ne comprenait pas la langue dans laquelle ils chantaient et d'ailleurs il doutait que ce chant ait une quelconque signification. Mais à défaut d'avoir un sens à leurs paroles, l'air et ses voix étaient suffisamment agréables pour qu'il ferme de nouveau les yeux, subjugué par cet art qu'il découvrait.

:: Fenêtres du 2ème étage de la Salle des Fêtes :: {22h53}

Henrietta ne comprenait pas pourquoi Marius était parti ainsi, sans mot dire. Frustrée, silencieuse sur sa chaise, elle n'attendait même plus que quiconque l'invite à danser. Bien que n'étant pas du tout laide avec sa chevelure brune claire et ses charmants yeux verts, et sa nouvelle robe blanche, et bien que son élégance déjà bien acquise avec ses longs gants blancs qui tenaient à ses doigts fins, son maquillage qui l'était tout autant et sa coiffure impeccablement soignée, elle semblait si fâchée qu'aucun homme n'avait eu l'audace d'inviter Henrietta à danser. Elle interpella un serveur, lui demanda s'il était possible d'ouvrir la fenêtre afin qu'elle respirât un peu l'air du dehors. Il répondit positivement, elle ouvrit la fenêtre et respira une grande bouffée d'air frais.

Elle se pencha vers le jardin qui s'étendait sous elle. Depuis que son fiancé était parti, elle ne s'était pas départie de son humeur maussade, mais le doux chant des choristes l'attendrit, et elle remarqua un jeune homme, sur les marches, qui semblait pleurer. Le visage apparemment dans ses mains, il ne bougeait plus et semblait prostré. Allons bon! Elle n'était donc pas la seule délaissée ce soir. Elle referma la fenêtre et emprunta les escaliers, descendant pour aller à la rencontre du garçon. Après tout, si Marius revenait, il n'aurait qu'à s'en prendre à lui-même si sa fiancée (et cavalière) était partie. Elle n'était en aucun cas à blâmer.

:: Marches de l'estrade aux Choeurs :: {22h58}

A moitié endormi , Jugulus ressentit à peine la main amie qui se posait sur son épaule. Etonné, encore un peu fatigué, il se tourna vers Henrietta, qui, surprise, ouvrit tout grand ses yeux. Elle bredouilla une parole sans importance, comme un "excusez-moi", et se détourna. Il dormait! Loin de pleurer, ou même de se lamenter, ce bienheureux aux cheveux noirs dormait. Quelle soirée... Déçue de tout son être, elle se résolut à quitter le bal. Jugu allait pour la retenir par le bras, mais elle partit trop vite et il n'eut pas l'heur de l'empêcher de partir.

Elle ne se sentait pas bien. Fatiguée. Plus qu'elle ne devrait le ressentir.. Elle vacilla.. Tout tournait autour d'elle. Les murs devenaient le plancher, le ciel son miroir et le sol son dos. Henrietta essaya de s'accrocher à un pot de fleurs de pierre pour arrêter ses troubles, mais ne réussit qu'à s'y casser deux ongles, et s'effondra au sol évanouie. Bientôt, un attroupement se forma, et même les musiciens, pourtant plongés dans leur démonstration artistique, s'arrêtèrent de jouer. Quelques minutes plus tard, on évacuait la jeune femme.

«C'est une sans-magie, il a fallu appeller les secours habituels des humains. On ne sait pas ce qu'un soin magique aurait eu comme conséquences. »
« C'est affreux... Vous avez vu comme elle était devenue pâle?»
« On ne sait pas ce qu'il s'est passé, elle s'est écroulée là sans prévenir... Je n'avais jamais vu ça.. »


Jugulus, écoutant les conversations de-ci, de-là, avait bien réussi à apprendre certaines choses, nottamment le prénom de la femme qui lui avait tapoté l'épaule. Elle s'appellait Henrietta. Drôle de nom, jugea t-il. Mais lorsqu'il avait vu les brancardiers l'emmener, il lui avait semblé avoir aperçu quelques traces de griffures sur son bras, et même une marque rouge étrange au cou. Il n'était pas allé en avertir les ambulanciers. Qui l'aurait écouté? De toutes manières, elle serait emmenée dans un lieu où elle serait bien soignée. Apaisé à l'idée qu'elle se remettrait vite, Jugu se promit d'aller rendre visite à la jeune femme dès sa guérison.

:: Massif de fleurs, côté roses :: {23h34}

Maintenant, il était assis sur une des chaises installées dans le jardin, près d'un magnifique massif de roses. De là, à une vingtaine de mètres du bâtiment et donc, des marches de l'estrade, il observait la fête reprendre son cours. Apparemment, personne n'entendait se laisser saper la bonne humeur par un simple évanouissement. Il soupira et se força à sourire à son tour, et se prit d'admiration pour un jeune couple qui dansait très bien et se distinguait beaucoup des autres. A la fin du morceau, il fut parmi les nombreux à applaudir leur performance. Il trouvait idiot de claquer dans ses mains, et plus encore de faire la même chose que les autres, mais il essayait de se distraire au mieux pour oublier l'accident qui lui avait gâché la soirée.

«J'espère que ça ira vite mieux... Mince, Jugu, décrispe-toi... Ces humains ne sont pas hostiles, souviens t'en et traite-les en égaux à défaut de les traiter en amis!» Perdu encore dans toutes ses pensées, le fils héritier de la lignée des démons Anathèmes, sur un sourire inexpressif, laissait passer la musique sans l'écouter, les danseurs sans les regarder à présent. Il faisait le vide... Puis, il se leva, et alla taquiner les petites roses du bout du doigt. Il aimait bien ces petites plantes, bien que n'étant absolument pas doué pour la magie, même si celle des Plantes était la sienne. Tout à ses roses, il ne prêta plus attention à rien, et, en prenant une dans la main (sans la déraciner toutefois) il s'assoupit à moitié dans l'herbe, ses rangers dans la terre, assis à l'indienne.

[:: Post hommage à deux jumelles qui ont quitté ce monde. The End :: ]
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